Les Amis de Sully : du XVIIIe au XXIe siècle



Les Amis de Sully ont une longue histoire, intimement liée à celle de la ville de Brest, principal port militaire français depuis trois siècles.
 
1783 : Son origine se trouve dans la présence lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, du régiment d’artillerie de Toul. En 1782, il est à Brest. Deux loges, Henri IV et Sully, fonctionnent au sein du régiment. Ce régiment fut célèbre par son action sous la révolution française (il est l’un des régiments présents à Paris en 1789, favorable au soulèvement populaire). Il eut pour secrétaire Choderlos de Laclos, auteur des liaisons dangereuses, puis secrétaire du duc de Chartres, Grand Maître du Grand Orient, le futur Philippe Egalité.
 
Les Élus de Sully, nés au sein de la loge de Sully, sont créés en 1783 et s’imposent après plus de trois années de controverse et de lutte contre la loge brestoise L’Heureuse Rencontre. Ils regroupent très vite des hommes issus du monde des commis de marine et des militaires brestois.
 
1789 : la loge participe activement aux différents moments de la période révolutionnaire, elle organise notamment la campagne pour l’amnistie des soldats de Chateauvieux, envoyés au bagne de Brest pour sentiment républicain. Des membres de la loge font partie du bataillon des fédérés finistériens qui prennent d’assaut les Tuileries le 10 août 1792.
 
1793 : les Élus de Sully prennent fait et cause pour les fédéralistes et s’opposent aux montagnards. La mise en place de la terreur fin 1793, touche la loge qui est fermée. Les membres les plus impliqués dans le courant fédéraliste sont arrêtés. Douze membres des deux loges brestoises, Heureuse rencontre et Élus de Sully, seront guillotinés.
 
1796 : les loges peuvent reprendre leur travail. Les deux loges fournissent l’essentiel du personnel politique finistérien pendant le Directoire (maires, députés, dirigeants de la garde nationale).
 
Sous l’Empire, les Elus de Sully deviennent la loge des marins et des amiraux. Citons l’amiral Ganteaume, dont la devise était « Nous gouvernions sur son étoile » (l’étoile maçonnique).
 
1815 : la Restauration est un moment très difficile pour la loge, qui bientôt deviendra une loge « libérale », voire « républicaine. En 1833, elle soutient les loges républicaines condamnées par le Grand Orient. Elle accueille les partisans de Charles Fourier, et devient l’un des foyers de la pensée fouriériste en France. Elle participe à la création de la Caisse d’Epargne et des premières sociétés de secours mutuel.
 
1848 : Deux membres de la loge occupent des postes clés : Bizet est le premier maire de Brest élu au suffrage universel, Francart, président de la société des droits de l’homme, est commissaire de la République.
 
1852 – 1855 : la loge, qui accueille en son sein des hommes très divers (démocrates-socialistes, partisans du parti de l’ordre, légitimistes), se méfie du prince Murat, nouveau Grand Maître de l’Ordre, qu’elle soupçonne d’être l’homme choisi par l’empereur Napoléon III pour museler la Franc-Maçonnerie. Elle prend ses distances et en 1855 adhère au Suprême Conseil de France. Elle prend alors le nom d’Amis de Sully.
 
1868 : Les Amis de Sully bâtissent leur temple, rue Guyot.
 
1871 : l’atelier, très proche des milieux gambettistes, refuse de soutenir la Commune de Paris, au nom du refus de prendre position dans une guerre civile (le souvenir de 1793 est encore très présent). Pourtant, lorsque 12 000 membres de la Commune seront détenus à Brest sur les pontons, avant leur jugement ou leur déportation, elle décide de porter secours aux maçons emprisonnés. Les loges parisiennes leur signaleront plusieurs frères qui pourront être secourus. Une loge sera même installée par les déportés maçons.
 
1888 – 1914 : l’atelier, qui a connu des déboires financiers, a dû vendre son temple. À partir des années 1890, il devient l’un des lieux où se développe le socialisme breton. Les Amis de Sully s’engagent dans le combat laïque. Revenu au Grand Orient en 1900, l’atelier affirme de plus en plus son caractère anticlérical et antimilitariste.
 
En 1903, l’atelier reçoit le ministre de la marine, Camile Pelletan, l’un des principaux ministres du cabinet Combes. En 1904, une liste républicaine gagne la mairie de Brest. Le premier maire socialiste, Victor Aubert, est initié en 1905. Emile Goude, initié en 1905, devient le premier député socialiste de Bretagne en 1910. Hippolyte Masson sera maire et député. Mais la crise éclate au sein de l’atelier, donnant naissance à la loge L’Heureuse Rencontre, qui rejoint la Grande Loge de France en 1913.
 
1918 : réveil de la loge. Les années vingt sont caractérisées par la rupture des militants communistes. Après une violente opposition, ces derniers quittent l’atelier en 1922.
 
1930 : L’une des figures de l’anarcho-syndicalisme, Jules Le Gall, initié en 1921, devient vénérable de l’atelier.
 
1940 : l’atelier met ses archives en sécurité. Dès décembre, la police allemande inquiète les frères. En juillet 1941, Jules le Gall est arrêté par la police française. En avril 1943, il est transféré à Compiègne, puis à Buchenwald, où il meurt en juin 1944. Maurice Michali, plusieurs fois inquiété, est arrêté et déporté à Mathausen où il décède. Plusieurs frères sont déportés, un est fusillé pour fait de résistance, d’autres seront révoqués. Une vingtaine de frères subiront la répression, cinq en mourront.
 
1948 : dans des conditions très difficiles, l’atelier se reconstitue et peut reconstruire son temple actuel en 1955. Pendant ces années, la loge participe à la renaissance du mouvement laïque, notamment par son action au sein des patronages et son soutien aux écoles publiques déshéritées. Elle permet la création à Brest d’une loge du Droit Humain en mai 1957.
 
1990 : la loge essaime en créant Fraternité-Laïcité.
 
1995 : Une exposition célèbre les 250 ans de la maçonnerie brestoise. La loge, par la permanence de ses travaux, par le fait qu’elle fut l’atelier où fusionnèrent tous les ateliers brestois entre 1790 et 1827, par les archives qu’elle put préserver, et par les loges qui en naquirent, est un axe central de la maçonnerie brestoise.
 
De 1783 à 2005, environ 1 800 maçons furent initiés ou affilés aux Amis de Sully.


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